Si vous êtes amateur d'art ou non et que vous n'avez pas encore vu « Exit through the Gift Shop » (traduit librement et maladroitement en Faites le Mur), courez-y ! Ce film retrace l'ascension d'un petit frenchy installé à LA qui de marchand de fringues est passé au statut d'icône du street art.
Voici le mode d'emploi très simple :
trouvez vous quelques street artistes reconnus qui vont enseigneront les bases (ici Shepard Fairey et Banksy)
Hypothèquez votre maison
Embauchez une armée d'assistants graphistes qui font le boulot à votre place (Toute référence à Jeff Koons semblerait ici évidente)
Faites un foin phénoménal, en vous servant de vos cautions artistiques pour rameuter les moutons avides de nouvelles tendances (qui n'ont rien de nouveau)
Montez une expo gigantesque, si possible à Hollywood dans d'anciens studios désaffectés
Et le tour est joué ! Facile ? Un peu trop !!
Si la mise en parallèle des deux personnages que sont Banksy et Brainwash, le film tend logiquement à prendre parti pour le premier qui a en quelque sorte « crée » le second à l'image de Frankenstein. Quand Brainwash a la tête gonflée à l'hélium, celle de Banksy demeure invariablement encapuchonnée ou floutée. Quand l'art de Banksy se porte vers des sujets contestataires (un des piliers du street art), celui de Brainwash est empreint de marketing et pille allègrement Warhol en tout en vidant le street art de sa substance. Quand Brainwash se prend manifestement au sérieux, Banksy manie l'humour noir à bon escient dans ses oeuvres.
Mais le trait est gros et le personnage de Brainwash tellement caricatural qu'on en vient à se demander s'il n'est pas simplement un jouet de Banksy crée afin de dénoncer les travers du marché de l'art, et ceux qui se posent cette question sont nombreux.
La question se pose en effet et non seulement se pose mais me hante, en tant que monstre du marché de l'art, n'ira t-on pas dire aux galeristes pas sages : « si tu finis pas ta soupe, Brainwash va venir accrocher dans ta galerie » ?
Maintenant certains éléments tendent à faire croire qu'il est effectivement ce que les grands collectionneurs pensent qu'il est : un artiste tendance. Après tout, que lui reproche t-on au juste ? De faire de l'art à l'américaine ? De vendre de l'art comme on vend des fringues ? Quand on achète des fripes une misère et qu'on les revend en tant que vêtement de créateur, comme c'est le cas de Thierry Guetta (son vrai nom), on est bien en mesure de faire passer des vessies pour des lanternes, non ? Il nous paraît étonnant voire aberrant à nous européens que l'on puisse faire de l'art en dirigeant une entreprise simplement en sélectionnant les œuvres des personnes qui font le boulot à notre place. Mais n'est-ce pas ce que fait (faire) Jeff Koons dont les œuvres s'arrachent au prix de la tonne de caviar et dont les collectionneurs s'enorgueillissent d'en posséder une ?
Or le fait que les collectionneurs se jettent sur ses œuvres comme un émir du Golfe sur un club de foot n'est il pas un diktat en matière de goût ? Après tout ils ont du pognon, ils ne peuvent pas se planter !!
Andy Warhol n'a t-il pas dit : « Gagner de l'argent est un art, travailler est un art et faire de bonnes affaires est le plus bel art qui soit » ? (parole d'évangile) Et est-ce un hasard si justement les œuvres de Brainwash font constamment référence à Warhol ? Avoir la fibre commerciale, n'est pas nécessairement incompatible avec un talent artistique reconnu ni avec une mégalomanie avérée d'ailleurs : Salvador Dali en est le meilleur exemple.
Alors Brainwash, nouvelle icône de l'art contemporain ou réel imposteur ? Le film repose sur cette ambigüité et chacun peut se faire sa propre opinion du personnage. Après tout comme le dit Shepard Fairey dans le film : « Et si l'art n'était qu'une farce ?»
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