Stoul/Boogie Woogie Sister n°3 (détail) - Alesko/Octotrap (détail)

vendredi 6 janvier 2012

Un rocher dans la mare

« Vous êtes de la merde dans un bas de soie », la phrase adressée par Napoléon à Talleyrand était péremptoire et désormais obsolète mais peut-être remise au goût du jour sous la forme : « vous êtes de la merde dans un costard Armani » justifiant le principe selon lequel les racailles ne sont pas systématiquement celles que l’on croit et qu'elles peuvent également vivre dans les beaux quartiers. La différence est que la racaille de banlieue n'est pas décorée de la Légion d'Honneur, elle.
L’actualité artistique se nourrit de temps en temps de certains scandales retentissants dont votre serviteur – charogne dans l’âme - prend un malin plaisir a s’en faire l’écho tant il est vrai que la presse artistique ne s’étend pas sur le sujet.
Le dernier en date, auquel France 3 a consacré son magazine Pièces à Conviction mercredi dernier est lié à l’Institut Wildenstein qui publie les catalogues raisonnés de nombreux artistes répertoriant notamment l’ensemble des œuvres de Claude Monet depuis ses premiers coups de pinceau jusqu’à sa mort (5 tomes, si vous avez des troubles du sommeil, vous avez la solution). L’institut Wildenstein faisant foi dans l’attribution ou non d’une œuvre à Claude Monet et toute contre-expertise étant impossible, il se plaçait en situation de monopole en la matière, les Wildenstein étant eux-mêmes marchands par conséquent en certaines occasions juge et partie, il est difficile de ne pas douter de leur neutralité.
Pour vous donner une idée, certains acheteurs de toiles ayant un doute quant à l’identité de l’auteur se sont vus refuser le fameux sésame par ledit Institut. Or l’œuvre une fois revendue s’est retrouvée labellisée du sceau de l’authenticité au profit du nouvel acquéreur et oh surprise exposée au Musée Marmottan ; étant donné le montant du prix de vente d’une œuvre de Monet qui se chiffre en plusieurs dizaines de millions d’euros, le préjudice est de taille. Autre exemple : un anglais détenteur d’une œuvre achetée l’équivalent de 8000€ et examinée scientifiquement sous toutes les coutures (rayons X, analyse chimique des pigments et de la signature etc.) ne peut malgré tout se prétendre propriétaire d’un « vrai » Monet dans la mesure où l’œuvre n’est ni répertoriée ni authentifiée par les soins de l’organe tout-puissant.

S’il n’y avait que ça : le hic est que l’affaire en question ferait passer l’affaire Bettencourt pour un aimable vol à la roulotte. La liste est longue : héritière évincée par les fils du fondateur de l’institut sur la base de documents falsifiés faisant apparaître une soi-disant dette fiscale de 5 Millions d’euros, tableaux disparus lors de diverses successions dont Daniel Wildenstein était l’exécuteur testamentaire, évasion fiscale par l’intermédiaire de montages financiers et de trusts faisant transiter l’argent dans des paradis fiscaux, abus de confiance etc. Si la présomption d’innocence m’oblige à ne pas enterrer les accusés, le documentaire remarquable de Magali Serres qui est le fruit de trois ans d’investigations a pris le soin de commencer à creuser délicatement le trou au tractopelle, d’autant plus que Guy Wildenstein a décliné l’invitation lors du débat qui suivait...pas vraiment le meilleur moyen de se défendre.
Tant qu’il existera des gens dans n’importe quel milieu qui se pareront de leur costard sur mesure pour justifier une intégrité de façade, comptez vos doigts après leur avoir serré la main...

2 commentaires:

  1. BRAVO POUR VOTRE ARTICLE - JE SUIS AUSSI UNE VICTIME!!!! et j'espère que bientôt nous aurons affaire avec des experts finalement plus compétents et qui aiment leur métier et surtout qui connaissent vraiment l'oeuvre des peintres en référence.

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  2. Merci mais le mérite ne me revient pas. Je ne suis qu'un spectateur qui a eu l'occasion à maintes reprises de voir l'envers du décor...et il est pas jojo. Ce que confirme d'ailleurs le documentaire de Magali Serres auquel je tire mon chapeau.

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